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Marché des céréales et oléagineux Sébastien Poncelet, Agritel : « La volatilité des prix va être plus forte »

En Ukraine et en Russie, les agriculteurs sont en retard dans leur récolte. (©Terre-net Média)

Situation de blocage météorologique, crise grecque, crise économique en Europe… : de nombreux facteurs font sortir les marchés des céréales et oléagineux de leur tendance baissière. Mais pour Sébastien Poncelet, « il n’y a pas lieu d’être euphorique sur les prix ». L’expert marchés d’Agritel estime en revanche que la volatilité des prix sera plus forte dans les prochaines semaines et prochains mois.

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En Ukraine et en Russie, les agriculteurs sont en retard dans leur récolte. (©Terre-net Média)

Terre-net.fr : Les prix des céréales et oléagineux se sont brièvement envolés fin juin. Que s’est-il passé ?

Sébastien Poncelet : Jusqu’à la fin juin, il y avait un consensus général baissier sur le marché des céréales, entretenu par des prévisions de récoltes optimistes de la part de tous les organismes internationaux, notamment la Fao et l’Usda. Avec une pression plutôt baissière des prix, les fonds d’investissement ont pris des positions vendeuses. Les acteurs industriels préfèraient ne pas acheter.

Mais il y a dix jours, un blocage météorologique s’est mis en place sur l’ensemble de l’hémisphère Nord. Avec un anticyclone installé dans l’ouest des Etats-Unis et du Canada, il n’a pas plu depuis trois mois dans ces régions. Le blé dur et le colza canadien se dégradent à vitesse grand V. A l’inverse, des précipitations incessantes sur le Midwest américain et l’est de la Corn Belt dégradent de jour en jour les blés à récolter. Les maïs et soja sont les pieds dans l’eau.

Ce même blocage météorologique a engendré l’épisode de canicule en France, mais aussi des excès de précipitations sur le sud de l’Ukraine et le sud-ouest de la Russie. Dans ces régions, les producteurs sont très en retard sur la récolte : cette année, il a été récolté deux fois moins qu’à la même date l’an passé. Et les craintes de dégradations des cultures s’amplifient.

Ces doutes globalisés sur la météo effacent la situation baissière sur les marchés. Nous revenons à des perspectives beaucoup plus incertaines

Terre-net.fr : Quels sont les facteurs à suivre pour les prochaines semaines ?

S. Poncelet : Si la situation météorologique se débloque, alors les marchés retrouveront une tendance plutôt baissière. Aujourd’hui, c’est l’évolution de la situation de l’Ouest canadien qui est le facteur le plus important et qui pourrait influencer le marché mondial du blé dans les prochaines semaines. 5 à 7 millions de tonnes de capacités à l’export sont remis en question. Si ces volumes viennent à manquer sur les marchés, alors il faudra trouver d’autres origines. La situation canadienne est d’autant plus importante que le pays est le premier exportateur de colza et de blé dur.

Terre-net.fr : Qu’en est-il aux Etats-Unis et en Europe ?

S. Poncelet : Aux Etats-Unis, le scénario de bonnes récoltes de maïs et de soja laisse aujourdhui la place à de sérieux doutes sur le potentiel affiché il y a quelques mois. Avec les pluies, 1 à 2 millions d’acres de soja pourraient ne jamais être semés.

En Europe, les rendements devraient être meilleurs que la moyenne quinquenale. Mais ils seront moins élevés que les premières estimations, qui misaient sur un potentiel énorme. L’UE pourrait ainsi produire 10 Mt de blé en moins que l’an dernier.

Terre-net.fr : N’y-a-t-il pas des inquiétudes à avoir sur le maïs ?

S. Poncelet : Oui. Le maïs est la vraie problématique en Europe. De nombreux éleveurs commencent à être inquiets pour leurs fourrages. Il y a un risque de revoir le scénario de 2003 : d’énormes surfaces de maïs grain avaient finalement été ensilées puis achetées par les éleveurs.

A noter aussi qu’en hémisphère Sud, l’amplification d’El Niño fait craindre de fortes baisses de rendements en Australie. En Argentine aussi, les producteurs emblavent moins de surfaces à cause notamment de la crise politique.

Terre-net.fr : La crise grecque peut-elle avoir un impact sur les marchés ?

S. Poncelet : Tout affaiblissement de l’euro est bon pour les exportations de l’Union européenne. Mais tout affaiblissement de l’UE ralentit la croissance mondiale et donc la consommation de grains dans le monde. Donc il est difficile de préjuger de conséquences précises sur le marché des céréales.

Terre-net.fr : Faut-il s’attendre à une tendance haussière des prix ?

S. Poncelet : N’oublions pas que les stocks de blé et de maïs sont encore importants. Les marchés s’orienteront à la hausse uniquement si la situation se confirme en Australie, en Argentine et au Canada. Mais on ne le saura qu’en septembre prochain. Pour l’heure, il n’y a aucun euphorisme à avoir sur les prix.

Terre-net.fr : Faut-il s’attendre à une plus grande fluctuation des prix dans les semaines et mois qui viennent ?

S. Poncelet : En blé, la volatilité est passée de 18 % le 4 mai dernier, à 19,6 % le 1er juin. Elle est aujourd’hui de 25 % !

La bourse chinoise a plongé de 30 %, le prix du pétrole a chuté de 15 % en 10 jours, des incertitudes demeurent sur les bourses européennes. En y ajoutant les possibles conséquences du facteur météo, il y aura une plus grande volatilité des prix.

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